Je ne presse rien. Je m’approche comme on s’approche d’une étoffe rare.
Je tends l’oreille, les mains, le cœur. Parfois même je renifle, je sens.
Je prends la mesure de ce qui se dit… et de ce qui se tait.
Je lis les plis, les tensions, les fils tirés par le passé.
Au début, je bâtis. Enfin, pour être plus juste, ça se batit.
Des points simples, provisoires, juste pour que la forme commence à se dessiner.
Un lien tissé à la main, fragile comme un fil de soie au vent.
Rien de serré, rien d’imposé : je laisse l’espace aux reprises, aux hésitations, aux changements d’aiguilles.
Je sens le tissu de la relation s’esquisser doucement,
comme un lainage qui s’assouplit entre deux mains bienveillantes.
Parfois, une couture craque : on revient, on démonte délicatement.
Parfois, une broderie se révèle, inattendue, sur la trame de l’instant.
Je travaille à l’aveugle, souvent, à partir du vide, parfois une vision,
dans les doublures, dans les envers, là où le regard ne va pas.
Mais c’est là que tout se joue : dans la finesse du geste, dans la justesse du fil.
Ce fil qui se vibre entre nous, ni trop, ni trop peu,
pour que le soin prenne forme, sans attache, ni emprise
à la fois solide et souple,
capable d’accueillir les mouvements, les tensions, les élans du vivant.
Chaque séance est un essayage nouveau.
ça s’ajuste, ça recule, ça reprends.
Je ne façonne pas l’autre : je laisse se façonner l’espace qui lui permettra de se révéler.
Et dans cette couture invisible,
c’est un vêtement de confiance qui naît,
point après point
Shaminka